'Everybody Wants to Rule the World': L'exploitation du fantasme féminin dans la franchise To All the Boys I've Loved Before (Netflix, 2018-2022) et la série télévisée XO Kitty (Netflix, 2023-)


Meganne Rodriguez-Caouette, Université de Montréal

Depuis les nombreuses adaptations de 'Lolita' (Kubrick, 1962 ; Lyne, 1997), la figure de l’adolescente fascine (Dupont et Paris, 2013). Les teen movies et les séries télévisées adolescentes des dix dernières années ont fortement exploités la figure de l’adolescente, que ce soit dans la franchise cinématographique 'Twilight' (2008-2012), la série télévisée 'Never I Have Ever' (Kaling et al., 2020-2023) ou encore à travers l’univers transmédiatique d’'Hannah Montana' (Poryes et al., 2006-2011 ; Chelsom, 2009). À la fois, comme le révèlent Sébastien Dupont et Hugues Paris (2013), ces productions médiatiques se sont attardées à montrer, dans leur récit, le désir que ces protagonistes suscitent et le désir qu’elles éprouvent. En revanche, bien que ces récits médiatiques illustrent ces sujets incontournables de l’adolescence, les recherches portant sur l’adolescente se sont plutôt alignées sur la différenciation genrée et sexuelle qu’elle permettait avec les personnages masculins (Boutang et Sauvage 2011 ; Smith 2018), à la représentation et à la sexualisation de son corps (Dupont et Paris, 2013) ou encore à ses évolutions représentatives à travers les vagues féministes (Boutang et Sauvage 2011 ; Marghitu 2021). Aussi, certains et certaines se sont penchés sur le fantasme que cette figure projette dans ces récits (Dupont et Paris, 2013) mais sans jamais questionner la manière dont les films et les séries télévisées ont de l’exploiter. Comment le fantasme féminin est-il exploité dans les productions cinématographiques et télévisuelles ? Mon hypothèse est que le fantasme féminin adolescent est exploité dans ces productions par le regard de la protagoniste sur ses propres fantasmes. Plus spécifiquement, le regard des personnages d’adolescentes est orienté vers l’objet de leurs désirs, dévoilant leur fantasme qui est, en conclusion, contraint à un cadre fictionnel hétéronormatif.  Dans un premier temps, nous développerons le cadre théorique du fantasme à travers deux dimensions : l’espace et la temporalité selon un axe sériel. Cela permet à la fois d’interroger les concepts de fantasme, de romance et de désir qui sont compris comme étant des espaces selon les travaux respectifs de Sara Ahmed ([2006] 2022), de Juliet Drouar (2020) et de Lauren Berlant (2012), ainsi que de questionner les possibilités de la romance dans ce type de production médiatique. Dans un second temps, par une analyse comparative des personnages féminins adolescentes de la franchise cinématographique 'To All the Boys I’ve Loved Before' (Johnson 2018 ; Fimognari 2020 et 2021) et la série télévisée 'XO Kitty' (Han, 2023 —), nous appliquerons ce cadre théorique du désir et du fantasme conjointement au concept de female gaze d’Iris Brey. Cet assemblage est primordial, puisque bien que le concept d’Iris Brey soit un outil d’analyse pertinent pour comprendre l’exploitation de l’intériorité féminine dans les productions médiatiques contemporaines, il est nécessaire, dans ce contexte d’analyse, d’observer comment celui-ci entre en dialogue avec des notions plus spécifiques liées à la romance adolescente à travers un schéma narratif définit par l’hétéronormativité.  En conclusion, le fantasme féminin adolescent est exploité, dans les productions américaines, en se concentrant sur la manière dont l’orientation de leur corps et de leur regard rend compte de leur imaginaire fantasmatique à travers un « cistème » (Drouar, 2020) principalement hétérosexuel. Ce cistème est façonné par une consolidation des tableaux dépeignant des relations hétéronormatives, construisant une utopie sensuelle consensuelle, comme nous avons pu l’observer dans les deux cas à l’étude : la franchise cinématographique 'To All the Boys I’ve Loved Before' (2018-2022) et la série télévisuelle 'XO Kitty' (Han, 2023 —).

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